INCLURE LA PARTICIPATION DU SPECTATEUR À L’ŒUVRE D’ART

Les happenings avec les ballons triangulaires de 1967, COLAB *(1968), les environnements personnels no.1,2,3 *; les inventions : la Douche Métafunic*, le Séchoir pour le corps Métafunic*, la Lepage lamp* éditée et distribuée par Knoll international, toutes ces œuvres ont une constante : elles demandent la participation du spectateur pour exister vraiment.  Presque toutes incluent un travail poussé avec la lumière. Ces œuvres ont été exposées dans différents musées américains et dans des  galeries de renom à New York avant d’être présentées au public québécois  dans une exposition solo au Musée d’art contemporain de Montréal  en février 1971.

LE PROJET « COLAB » ET LA CRÉATION EN  GROUPE

Pour réaliser mes environnements gonflables et lumineux je travaillais avec un jeune ingénieur du nom de Roger Carrignan qui étudiait dans l’université voisine de la Rhode Island School of Design. En réalisant ces œuvres avec sa collaboration j’ai réalisé que non seulement ses compétences m’aidaient à réaliser mes œuvres mais apportaient une nouvelle dimension créative à mon travail. Je me mis à imaginer ce que pourrait donner la collaboration d’un grand nombre de ces étudiants créatifs de cette école qui en comportait plus de 800. Avec l’aide d’un étudiant en architecture on à rassemblé une douzaine de ces jeunes artistes de différents départements de l’école dans le but de créer une œuvre qui serait la synthèse de toutes nos idées, rassemblées par une consultation amicale, créative et ouverte. COLAB*, une immense structure gonflable avec des happenings artistiques à l’intérieur et à l’extérieur demanda la participation de plus de 200 étudiants  et fut une expérience exaltante de créativité et de collaboration. J’ai décrit cette expérience dans un article de la revue Vie des Arts pour en comprendre moi-même le processus car le résultat de cette synergie créative avait dépassé tout ce à quoi on pouvait s’attendre. Cette expérience orienta en grande partie mon travail d’enseignant en art par la suite. «La Chenille bleue»*, le «Labyrinthe vers soi»*, les nombreuses murales collectives du Collège de la Gaspésie et des Îles (campus des Iles-de-la-Madeleine) sont inspirés de cette expérience.

LE SPECTATEUR EN TANT QU'OEUVRE D'ART: L'ART C'EST LA VIE !

De 1966 à 73, toutes mes œuvres  impliquaient la participation du spectateur au point où j’en arrivais à parler d’un spectateur-sculpture : le spectateur de ces œuvres  en devenait un élément tellement essentiel  que je considérais que c’était lui l’œuvre d’art. Je photographiais et filmais ces participants dans les sculptures gonflables,  dans le parachute, dans les différents happenings.  Invité par Henri Barras alors directeur du Musée d’art contemporain de Montréal à Participer au festival d’art contemporain de Royan en France avec une délégation de jeunes artistes du Québec, j’ai déclaré dans un texte que je remettais aux visiteurs :          « L’art, c’est vous et à la limite, l’art c’est la vie ».  Il ne faut pas se surprendre  que pendant les dix années qui ont suivi de 73 à 83, j’ai mis ce concept en application en m’installant aux Îles-de-la-Madeleine  et en fondant une famille.  J’avais coupé tous les ponts avec le monde artistique de Montréal ou de New York et je m’appliquais à mettre tout mon art et toute ma créativité à bien vivre ma nouvelle vie aux îles avec les gens d’ici*.

PROFESSEUR-ARTISTE : FORMER UNE RELÈVE EN ART

C’est en enseignant aux jeunes du Cégep des îles que j’ai repris goût à la création artistique comme telle.  Le dessin, la peinture, les happenings participatifs pouvaient reprendre vie grâce aux jeunes qui découvraient ces nouveaux langages  sans préjugés (puisqu’il n’y avait pas de tradition en art contemporain aux îles) et avec une disponibilité créative où tout semblait possible.  Dès 1983 (date de fondation du Cégep des îles)  j’ai pu, grâce à l’ouverture d’esprit du directeur d’alors monsieur Reynald Deraspe,  introduire les concepts de «happenings » et de participation du spectateur dans des œuvres collectives qui permettaient à tous ces jeunes d’explorer leur propre environnement sous un jour nouveau  et créatif. 

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Ces projets collectifs aux îles se sont succédés : murales collectives de 15 à 20 participants, dans les cours d’art et d’histoire de l’art;  La Chenille*, un projet incluant laparticipation de 45 étudiants a été présentée à plusieurs reprises dans différents environnements des îles;  le Labyrinthe vers soi* un projet synthèse en arts, lettres et médias qui a demandé tout un semestre de conception, préparation et exécution.  Pour ce projet,  chaque étudiant(te) devait créer de grandes peintures sur une soie translucide et choisir des diapositives inspirantes de l'histoire de l'art qui seraient projetées dessus en transparence pour les transformer. Le tout fut monté sur des cadres et agencé dans la forme d'un labyrinthe introspectif: «Le Labyrinthe vers soi» 

 L’AQUARELLE POUR RENDRE LA BEAUTÉ DES ÎLES

 C’est en enseignant le dessin et la peinture que j’y ai moi-même repris goût.  En 1986 j’ai suivi aux îles un atelier d’aquarelle avec Jean Deveau et ce fut une véritable révélation. Cette technique me  plaisait par sa transparence et sa luminosité mais surtout elle me semblait parfaite pour transposer la magnifique lumière des Îles. Dès l’été 1988 je présentais une exposition solo d’aquarelles au Café de la Grave qui fut très bien accueillie par le public madelinot.  Pendant les années suivantes je me suis consacré à l’aquarelle et à la gravure en explorant des approches  nouvelles et inhabituelles à ces genres d’art. Par exemple, en gravure j’ai inventé le linotype, un mélange de linogravure et de monotype et j’ai introduit aux îles les deux premières presses à gravure : une dans mon studio et une au Cégep.  En aquarelle j’ai participé pendant 8 ans au Symposium de peinture figurative de l’étang-du nord  à explorer le paysage des îles en compagnie de célèbres artistes figuratifs du Québec  tels que  Tex Lecor,  St-Gilles,  Jacques Hébert :  un défi  et une excellente occasion de partager avec des peintres de l’extérieur des Îles.

MODERNISER L’AQUARELLE

L’aquarelle me plaisait toujours, mais j’y voyais certaines limitations. Les encadrements vitrés et chers limitaient la grandeur des formats et j’avais envie d’explorer des techniques nouvelles. À la suite de l’expérience du Labyrinthe vers soi où on avait créé sur de grands écrans de soie avec des aquarelles liquides pour faire des projections de diapositives en transparence,  j’ai réalisé qu’on pouvait travailler sur des grandes surfaces de tissus et j’ai fait le lien avec l’art du batik.  En 2002 et 2005 je suis allé pendant deux hivers sabbatiques à Bali et à Java en Indonésie avec l’espoir de me former dans cette forme d’art. Un de mes objectifs était d’explorer des nouvelles techniques proches de l’aquarelle et de transposer sur des formats géants mes petits paysages des îles pour en faire un sorte d’environnement total.  Les nombreuses œuvres qui ont résulté  de ces deux voyages ont été exposées à l’hiver 2005 au Cégep et Centre d’archives des îles  puis, invité par la directrice Michelle Joanette et le conseil d’administration, tout l’été 2006 au Musée de la mer des Îles à Havre Aubert. Les immenses paysages* de 3m. x 3m., étendus sur des cordes à linge formaient une sorte de labyrinthe dans lequel le spectateur pouvait circuler entouré et même touché par les tissus qui bougeaient au vent léger.

Je continue d’explorer et de moderniser mon langage aquarelle. Par exemple j’ai fait une série d’œuvres sur l’histoire et l’architecture des îles pour l’exposition ArtCadie* à l’occasion du 400ième anniversaire de la fondation de l’Acadie en 2004. Cette exposition a été présentée aux îles, dans les maritimes, à Montréal, à Paris et à Nantes. Pour ces œuvres j’ai essayé d’affiner et de moderniser mon langage d’aquarelliste en simplifiant les formes et en y introduisant le fusain*, le pastel gras* et le marqueur noir*.

SERVIR DE MIRROIR À MON MILIEU

Je présentais en 2010 une exposition solo au Café de la Grave de Havre Aubert intitulée  «D’où venons-nous, où allons-nous? ». Pour que l’art serve aussi de réflexion sur le passé et l’avenir des îles en ces temps de grands changements d’un milieu insulaire fragile.

 

 

 

 

 

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* Se référer aux thèmes et photos pour des références photographiques et des explications plus complètes.